Professeur en charge
de la section la plus importante de l’école, Clément Goyeneche, niçois, d’origine basque, a été lui-même élève de l’ENAD
de Nice 1910-11. Il obtiendra en 1911 le Premier Prix d’un concours national
entre toutes les écoles d’art de France : le « Concours
Général de Composition Décorative » organisé par la
Société d’Encouragement à l’Art et à l’Industrie et le Ministère des Beaux-Arts.
Ce premier succès sera le point de départ d’une brillante carrière car la
Baronne Ephrussi de Rothschild lui commandera séance tenante le projet de la
grande mosaïque du patio de la Villa Ile-de-France à Saint-Jean-Cap-Ferrat et
il obtiendra quelques mois plus tard une bourse de la Ville de Nice pour
continuer ses études à Paris : à l’École des Beaux-Arts (Atelier Cormon)
et à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs.
Il fréquentera à Paris
plusieurs jeunes niçois étudiants comme lui et qui demeureront des
amis proches et par la suite des associés dans plusieurs projets sur la
Côte d’Azur, notamment les architectes Richard Laugier et Paul Labbé ou les
artistes-décorateurs Raoul Dufy, René Cera et Mario Simon. Ces "niçois" demeureront tous en relation étroite avec le peintre Paul Audra, le Directeur de l’ENAD,
avec qui ils avaient une véritable relation de « piété
filiale » suivant les mots de Clément
Goyeneche dans une correspondance.
Aux Beaux-Arts il fréquente aussi assidument l'atelier de l'architecte Gaston REDON : ses camarades seront les futurs architectes Michel Roux-Spitz, Léon Azéma, Roger-Henri Expert et les frères Niermans avec qui il restera toujours en relation.
Clément Goyeneche
travaillera très rapidement avec de grands créateurs parisiens comme Maurice
Dufréne, Francis Jourdain, le couturier Paul Poiret (Atelier Martine),
l’architecte Mallet-Stevens ainsi que l’Atelier Primavera des Grands Magasins du
Printemps, où il se liera avec René Guilleré et Colette Guéden mais surtout avec Louis Sognot.
Dans cette période il collectionnera les récompenses comme le Premier Prix du
Concours d’Art Décoratif de la revue « Les Arts Français » et à 23
ans seulement il sera reçu Premier au concours national pour obtenir le « Certificat
d’aptitude à l’enseignement de la Composition Décorative », ce qui en fera
le plus jeune professeur de France et lui vaudra sa nomination en 1920 au poste
d’enseignant titulaire à l’École Nationale des Arts Décoratifs de Nice.
L’École de Nice va
devenir très vite une des meilleures écoles d’art de France et les élèves de
Clément Goyeneche vont obtenir à leur tour de très nombreuses
récompenses dont la presse locale (le « Petit
Niçois » ou l’ « Éclaireur de Nice »)
ou nationale se feront régulièrement l’écho : en effet à pas moins de quatre
reprise l’ Ecole des Arts Décoratifs de Nice figurera au palmarès des concours
nationaux avec des premiers prix. En 1935, le Maire de Nice, Jean Médecin s’en
glorifiera avec juste raison dans le texte « Six années de réalisations
municipales » :
« Notre École d’Art Décoratif
est nationale, mais la Ville contribue largement à son fonctionnement. Elle est
devenue très prospère et l’ensemble des récompenses qu’elle obtient aux
concours de fin d’année la classe au tout premier rang des écoles
françaises. »
Ce sera encore le cas en 1939, à la
veille de la seconde guerre mondiale, avec le premier prix et le quatrième, sur
huit prix seulement en compétition pour les concours nationaux qui concernaient
environ 50 écoles d’art en France . Au cours de l’inauguration de l’école
rénové et agrandie en 1938-39 par M.Aragon, Architecte en chef de la Ville de
Nice, le Directeur de l’école, M Maillard qui a succédé à Paul Audra en 1934, « se félicite des brillants
résultats obtenus par les élèves, non seulement dans les compétitions mais au
point de vue de leur formation artistique » et le Directeur Général des Beaux-Arts, M.Georges Huisman, représentant
le Ministre à cette occasion, se dit « heureux
d’applaudir aux brillants résultats obtenus par les élèves et il leur demande
de rechercher un idéal derrière leurs succès scolaires. Mais dit-il en
substance, cette école marche si bien, obtient de si brillants résultats
qu’elle n’a besoin d’aucun encouragement officiel !.. M Huisman
termine en montrant aux maîtres et aux élèves leur rôle essentiel qui est de
contribuer dans notre région à la formation d’un gout du public dont il faut
bien dire qu’il est toujours en retard de quelques lustres sur les créations du
moment. M Huisman se tourne alors vers M Goyeneche, Professeur de Composition
Décorative. Il rappelle dans quel estime le tient la haute administration des
Beaux-Arts qui a voulu l’arracher à Nice, pour lui donner ailleurs des
fonctions beaucoup plus importantes. Il souligne la brillante carrière de ce
grand artiste et le félicite de sa popularité parmi les élèves. Mlle Gaillier
et M Spiewak remettent la croix de la Légion d’Honneur, offerte par les élèves
qu’ils représentent, et M Huisman l’accroche sur la poitrine de M Goyeneche en
prononçant la formule sacramentelle.» (in
«l’Eclaireur de Nice»)
Le
but des études du cours de composition décorative est clairement énoncé dans le
programme diffusé par Clément Goyeneche pour l’inscription à l’école :
« Formation d’artistes décorateurs, créateurs de modèles, dessinateurs décorateurs
pour les industries et métiers d’art ; préparation à la profession de décorateur-ensemblier ».
On utiliserait aujourd’hui plutôt les termes d’architecte intérieur et de designer
pour nommer la qualification professionnelle dont il est question, d’autant que
les élèves reçoivent également un enseignement complémentaire sur l’architecture
et la sculpture par d’autres professeurs. « Les études comportent une
initiation théorique aux principales techniques des métiers d’Art. Elles
poursuivent, sous la forme de projets, des recherches englobant la plupart des
branches de l’Art appliqué : papiers peints, tissus imprimés et tissés,
tapisseries, tapis de sol, mosaïque, céramique, verrerie, vitrail, verre gravé,
ferronnerie, mobilier, menuiserie d’art, ébénisterie, marqueterie, luminaire,
publicité, affiche, décors de théâtre… ». Au cours de la période 1919 -1939,
l’action pédagogique de Clément Goyeneche à l’École des arts décoratifs de Nice
et son exercice professionnel sont intimement liés aux deux grands événements
qui popularisent ce qu’on nommera par la suite le style Art déco mais que l’on
appelle à ce moment-là l’Art moderne ou Art actuel : les expositions
internationales de Paris de 1925 et de 1937 auxquelles l’école participe
activement dans le cadre des Pavillons de la Côte d’Azur.
Clément
Goyeneche, président de la Commission de consultation esthétique de Nice pour l’Exposition
internationale de 1925, en expose les grandes orientations dans un rapport
introductif : « Le modernisme est une conception qui repose sur le
rapport équilibré entre les lois esthétiques permanentes et l’expression
particulière correspondant aux besoins communs et à la sensibilité ambiante d’une
époque. Ces besoins et cette sensibilité sont en état constant d’évolution. Une
forme d’art est belle pour toujours et entre dans le vaste domaine du
classicisme dès qu’elle naît directement de la vie exercée à un certain moment
et qu’elle satisfait à la fois à la mise en œuvre la plus logique des matières
et aux principes directeurs de la pensée humaine. Elle réalise l’unité par l’équilibre
des contrastes, l’expression vivante par l’affirmation d’une dominante. (…)
Constante matérielle : technique propre à chaque matière, la plus directe
et la plus simple possible. Appropriation à la fonction : la fonction
détermine l’aspect. (…) Constante esthétique : le décor n’est pas toujours
nécessaire ; il n’est en situation que pour des raisons de souplesse et de
stricte variété. Le plus souvent la structure architecturale se suffit à
elle-même. Quand il y a décor : correspondance du décor avec la forme
structurale, la destination, la fonction, la situation. Accuser et ne jamais
dissimuler la structure architecturale. Mettre en évidence la forme des solides
géométriques élémentaires (sphère, cylindre…) entrant dans la structure
architecturale. Accuser la fonction par la mise en évidence des éléments de
nécessité pratique. (…) L’art actuel s’appuie sur les principes qui viennent d’être
énoncés. Il tend au classicisme pur, qui est une expression essentielle de la
vie, qui admet toute la fantaisie poétique, au demeurant fortement attaché au
contrôle de la raison. Il répudie toute formule académique. (…) L’art actuel
recherche la franchise et la fraîcheur dans la forme, l’effet du contraste
lumineux, l’harmonie colorée. Il s’attache à ne retenir que les éléments
essentiels de l’expression, à généraliser ces éléments jusqu’à l’abstraction.
(…) Il considère comme nuisible tout ce qui est inutile. Il rejette tout
pastiche des formes d’art révolues, comme ne correspondant plus à la vie
actuelle. Il respecte et utilise toute technique traditionnelle et logique. Il
satisfait à des besoins nouveaux à l’aide de matériaux nouveaux et de leurs
techniques correspondantes, sans entrer dans le moule de formes connues.
Désireux d’éviter l’art anonyme, il tend à marquer les caractères de vie propre
à chaque région et aussi les sensibilités individuelles (situation
géographique, climat, habitudes, tempérament). En résumé, l’art actuel est
fondé sur l’ « utile supérieur » et s’oppose à l’ « art pour l’art ».
LES PAVILLONS de la Côte d'Azur DES DEUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES "ART DECO" de PARIS en 1925 et en 1937
Le Pavillon des Alpes-Maritimes à l’Exposition internationale
des arts décoratifs et industriels modernes de Paris de 1925.
Le
projet de cette exposition internationale remonte environ à une vingtaine d’années
auparavant : dès la fin de l’Exposition universelle de 1900, et surtout à
la suite des Salons d’automne de 1910 et 1912, où de nombreux artistes veulent
réconcilier l’art et la production industrielle qui se développe avec l’évolution
de la société et des moyens modernes de communication.
Le
Comité régional des arts appliqués de Nice, sous l’égide du ministère des
Beaux-Arts, en collaboration avec la Chambre de commerce et d’industrie, assure
l’organisation de la participation du département des Alpes-Maritimes à l’exposition :
Charles et Marcel Dalmas sont délégués par la Société des Architectes du
Sud-Est pour réaliser le projet du pavillon, et Clément Goyeneche est choisi
sur concours pour composer l’architecture intérieure en liaison avec Charles et
Marcel Dalmas, et pour créer l’ensemble des intérieurs, mobiliers, décorations,
luminaires, etc. La collaboration est très étroite entre le jeune artiste de trente-deux
ans et son aîné d’un an seulement, Marcel Dalmas Le résultat de ce travail d’équipe
est un réel succès pour le Pavillon des Alpes-Maritimes qui est très remarqué
par la critique et le public de l’exposition. Clément Goyeneche remporte à
titre personnel un Grand Prix (Section française - Classe des ensembles
mobiliers) et un Diplôme d’honneur (les plus hautes récompenses décernées par
le jury de l’exposition) ainsi que deux Médailles d’argent pour ses
réalisations, et le titre enviable de Membre du Jury d’admission Architecture.
Clément Goyeneche fait part de son expérience : « Pour beaucoup, dans
le grand public, l’art décoratif a été une découverte amenée par l’Exposition
Internationale de Paris de 1925. Cette manifestation, longtemps différée, avait
été réclamée par les artistes depuis bien avant la guerre. Ceux qui, dans le monde
entier, s’inquiétaient et s’efforçaient de trouver, de créer à la fois le décor
et l’ajustement des formes usuelles de tout ce qui constitue le cadre de notre
vie, dans un rythme correspondant à celui de l’existence actuelle, avaient hâte
de voir se confronter les différentes expressions d’un effort d’art dont les
règles consenties par tous, paraissaient nouvelles : rationalisme, logique
technique, respect de la matière, désir d’expression essentielle, exclusion de
toute vanité ornementale, désir d’unité, (…) nouvelles règles semblait-il, par
contraste avec le triste spectacle donné par l’incohérence de l’art décoratif
de la fin du XIX eme siècle, où le pastiche régnait en maître et où le décor de la vie était un
hétéroclite bazar formé par les dépouilles déformées des siècles défunts. (…) La
Côte d’Azur était au premier rang de ces manifestations provinciales. Qui ne se
souvient du Pavillon des Alpes-Maritimes, une des grandes attractions de l’exposition
de 1925 ? Les murs en semblaient irradiés du soleil si généreux du pays qu’ils
représentaient.
Cet
ensemble, où les artistes locaux les plus qualifiés étaient représentés, était
la preuve que sur cette terre privilégiée de la Riviera française, où
semblait-t-il, il ne pouvait y avoir d’autre désir de vie que de se griser de
lumières et de goûter le charme du climat (…) des artistes travaillaient, s’efforçaient
de produire des œuvres exprimant toutes ces délicieuses sensations :
architectes, meubliers, ferronniers, potiers, céramistes… Ils étaient nombreux
ceux qui ne se laissaient pas seulement pénétrer par les charmes de ce pays,
mais bien traverser par lui. Ils exprimaient des œuvres qui étaient issues de
leurs pensées et de leurs mains. Dans ce grand Grand Palais, un stand
remarquable présentait les travaux des élèves de l’École d’art décoratif de
Nice, qui participent par ailleurs à toutes les expositions des Saisons d’art à
Nice. Cette œuvre de l’Exposition internationale des arts décoratifs qui fut
une mobilisation inconsciente et occasionnelle, a démontré aux artistes
régionaux quelle force ils représentaient. »
La
lecture du descriptif détaillé du catalogue des intérieurs du pavillon est très
précieuse pour connaître tous les intervenants et imaginer les compositions
dont les images ne nous sont parvenues qu’en noir et blanc.
Au
rez-de-chaussée, la salle à manger :
« Ensemble
et meubles de C. Goyeneche. Meubles acajou sculpté, ciré, patiné, ferrure
cuivre, édités par A.M.A., 43 boulevard de l’Impératrice de Russie à Nice.
Frise en sgrafito composée et exécutée par C.Goyeneche. Service de table de J. Luce.
Céramique de Augé-Laribé à Biot et de Aublet à Antibes. Porcelaines décorées de
Bourgeois. Napperon point de Nice de Mme Chabert-Dupont. »
Au
premier étage, le salon d’été :
« Ensemble
et meubles de C. Goyeneche. Meubles noyer sculpté, ciré, ferrure cuivre, édités
par A.M.A., 43 boulevard de l’Impératrice de Russie à Nice. Gravures sur bois
de Genholac et Rattier. Tissus de Raoul Dufy, édité par Bianchini-Ferrier.
Céramique de Augé-Laribé, de Aublet et de J. Luce. Dessus de table point de
Nice de Mme Chabert-Dupont. »
Et
également au premier étage du pavillon, la grande chambre :
« Ensemble
et meubles de C. Goyeneche. Meubles en érable et frêne marquetés d’amaranthe,
citronnier et acajou, édités par A.M.A., 43 boulevard de l’Impératrice de
Russie à Nice. Panneau décoratif de Mlle Bordes. Tapis, coussins de Martine et
de Mlle Pangon. Tissus de la Maison Dscheemaecker. Céramique de Bourgeois, de
Massa, de Aublet et de J. Luce. Fourrures de la Maison Bailet à Nice. »
Dans
le rapport général, il est également noté les autres participants à tous les
aménagements des intérieurs : De Signori, Capron, Martin-Sauvaigo, Paul Audra,
Genholac, Delfino, Mlle Garnier, fauteuils par Martine, tissus et papiers
peints par Gabriel, Dauphin et Raoul Dufy. Il est particulièrement intéressant
de relever que les équipes formées par Clément Goyeneche rassemblent aussi bien
des enseignants de l’École des arts décoratifs de Nice comme Audra (directeur),
Rattier ou Génholac (professeurs) que des élèves comme Mlle Bordes, Mlle Pangon
ou des artisans d’art des Alpes-Maritimes comme les céramistes Augé-Laribé et
Aublet. Il faut aussi noter la participation d’un artiste comme Raoul Dufy
(pour ses créations de tissus) avec qui Clément Goyeneche travaille dans l’Atelier
Martine de Paul Poiret en 1911-1912.
Paul
Audra, le directeur de l’École des arts décoratifs, a ces mots élogieux et bien
en accord avec les idées novatrices de l’Art moderne pour présenter l’exposition
de « quelques meubles de Clément Goyeneche, à l’Artistique » en avril
1925 à Nice, dont plusieurs viennent d’être présentés au Pavillon des Alpes-Maritimes
à l’Exposition de Paris : « Rompre avec la profusion d’un décor
inexpressif et encombrant que nous tenons de la Renaissance italienne, avec des
formes que ni la destination, ni la construction ne justifient, donner à l’ambiance
d’un intérieur un caractère de sérénité heureuse et légère, par des meubles
logiquement établis et ornés, des murs gais mais silencieux, des tissus qui
doivent leur somptuosité à l’harmonie des couleurs et à l’union bien assortie
des matières, voilà ce que veut fermement l’art moderne. De la logique, de la
loyauté, de l’aisance. C’est du très haut classicisme. M. Clément Goyeneche est
un des jeunes artistes que je considère comme au premier rang de ceux qui nous
délivreront du fatras poussiéreux et baroque amoncelé par l’imitateur ignorant
et insensible des styles de jadis, et qui s’opposent aux actuels barbares,
extravagants, prétentieux et lourds. Cette exposition à l’Artistique, si
remarquable soit-elle, n’est qu’une indication de ce qu’on peut attendre de cet
esprit réfléchi, de ce poète et de ce technicien. »
Le maire de Nice, Jean Médecin, à peine deux ans après son élection en
1928, va associer l’architecte Nicolas Anselmi et Clément Goyeneche pour
réaliser plusieurs projets emblématiques de sa municipalité : la
modernisation de l’Hôtel de Ville en 1930-1931, l’extension et le réaménagement
de la Bibliothèque municipale du boulevard Dubouchage, et la construction de l’École
pratique de commerce et d’industrie
hôtelière de Nice, rue de France en 1931-1932. Clément Goyeneche réalise
également dans les années 1920 à 1937 plusieurs études d’aménagements et de
création de mobiliers urbains pour la Ville de Nice : par exemple l’aménagement
du carrefour de l’aire Saint-Michel à Gairaut (1932), des études pour la
Compagnie des Eaux à Rimiez, des abris bus ou des bancs publics. Dans la même
période, il réalise des centaines d’aménagements intérieurs pour des clients
privés, et plusieurs immeubles d’habitations à Nice, place Alexandre Médecin, à
l’angle de l’avenue Henri Dunant, pour son ami d’enfance François Cotto (1928)
et en collaboration avec Richard Laugier deux immeubles, l’un au 22 rue Amiral
de Grasse et l’autre au 2 rue Guglia (1937).
Le Pavillon de la Côte d’Azur à l’Exposition internationale
des arts et techniques de Paris de 1937.
Le
projet d’organiser à Paris une nouvelle Exposition Universelle date de l’année
1934 : c’est le parlementaire Edmond Labbé qui en assure la promotion. Son
titre officiel est : « Exposition
internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne ».
Edmond Labbé veut démontrer avec ce projet que l’art et la technique ne s’opposent
pas mais que leur accord est au contraire souhaitable, voire nécessaire. Ce
projet se situe dans la suite des débats autour de l’Exposition de 1925 avec le
développement des idées sur l’art moderne : « Le beau et l’Utile
doivent être, selon les propos d’Edmond Labbé, indissolublement liés ». Étant donné la situation de crise
économique et de tensions politiques internationales, l’exposition doit
également être un instrument pour favoriser la paix entre les peuples. C’est
dans un contexte très particulier avec l’arrivée au pouvoir en France du Front
Populaire que s’organise finalement l’exposition : Nice et la Côte d’Azur
sont représentées dans le cadre d’un Pavillon régional (XI région – Départements
des Alpes-Maritimes et du Var).
L’organisation
mise en place est similaire à celle de 1925 : c’est le Comité régional qui
l’assure, dont le siège est situé boulevard Carabacel à Nice dans les locaux de
la Chambre de Commerce et d’Industrie. Le Comité régional organise un concours pour
le projet architectural du pavillon et pas moins de onze concours pour l’architecture
intérieure et la décoration de chaque salle du pavillon : le grand salon d’honneur,
le petit salon rond, le cabinet de travail d’un écrivain, etc. Le règlement
précise que le concours est anonyme et qu’un même artiste peut être primé dans
une ou plusieurs sections. C’est un groupement d’architectes des
Alpes-Maritimes et du Var qui remporte le concours d’architecture : Paul
Labbé, Aubour et Crovetto de Nice avec Barbier-Bouvet et Bertrand Arnoux de
Saint-Raphaël. Pour les intérieurs, c’est Clément Goyeneche qui remporte 9
concours sur les 11 des programmes proposés dans le cahier des charges. Louis
Guien, un ancien élève de Goyeneche, remporte le concours pour l’office de tourisme.
Comme
pour l’exposition de 1925, l’École des arts décoratifs de Nice est un
partenaire actif avec un stand particulier mais aussi avec une participation de
plusieurs élèves ou anciens élèves dans les équipes de Clément Goyeneche. La
Société des Beaux-Arts de Nice est également partie prenante avec la
participation de très nombreux membres de l’association : le sculpteur
Joseph Gazan, les peintres Tayac ou Martin-Sauvaigo, etc. Comme le souligne le président
de l’association Charles Vigon, en décembre 1937 : « Je tire une fierté et une grande joie de la participation des
Membres de la Société des Beaux-Arts de Nice à l’Exposition de Paris. Dans les
concours ouverts pour la construction du pavillon et sa décoration – concours
dont les juges venaient de la Capitale – les projets des Membres de la Société
ont été primés. Clément Goyeneche a orné le Grand Salon d’honneur de grandes
compositions peintes ayant traits à l’histoire de la Méditerranée et
glorifiants les navigateurs régionaux. Il a décoré également le vestibule
d’entrée de stucs polychromes et d’appliques en bronze d’un effet
somptueux : c’est lui encore qui a conçu la « grotte des
sirènes », le mobilier du cabinet de travail de l’écrivain et la
« chambre du skieur ».et il a fort heureusement inspiré et dirigé un
groupe d’artisans régionaux qui ont pu
révéler un tempérament esthétique intéressant. »
Le débat entre les
tenants du « modernisme » avec Le Corbusier et Rob Maillet-Stevens et
les « régionalistes » est encore plus présent qu’en 1925. Les
concepteurs du Pavillon de la Côte d’Azur se situent au cœur du débat comme le
remarque un article de la revue «Vie à la Campagne » sur le
pavillon :
« Pavillon de la
Côte d’Azur : un enchantement pour les yeux. Cet ensemble d’architecture
érigée en bordure de la Seine, présente un groupe de constructions variées qui
concrétisent ce qui doit rester le symbole principal de l’individualité de
cette magnifique région au caractère très particulier. Il est traditionnel en
ce sens qu’il emprunte à la région les éléments permanents qui lui sont
propres. Il est moderne par les procédés nouveaux de construction qui ont été
mis en œuvre pour le réaliser. »
C’est
bien ce sentiment qu’exprime l’artiste sur son « régionalisme »
dans le cadre des projets d’aménagements intérieurs du pavillon de 1937 :« On a demandé aux
décorateurs et ensembliers du Pavillon du Centre Régional d’être à la fois
régionalistes et modernes. Le problème de l’art décoratif régional est à la
fois passionnant mais des plus difficiles à résoudre pour un
artiste. La plupart de ceux qui ont essayé ont abouti à une rusticité
caricaturale ou à un pastiche d’ancien plus ou moins déguisé. J’ai moi-même
essayé depuis quinze ans de faire une
œuvre dans le sens régional tout en étant nettement moderne. C’est dans cet
esprit que, dans le grand salon d’honneur, le grand vestibule et le cabinet de
travail de l’écrivain j’ai réalisé des ensembles qui ne soient pas volontairement
rustiques à tout prix : les pièces de réception du pavillon sont traitées
en gypseries à deux tons dans le principe des décors au stuc du XVIIème siècle
qui subsistent encore dans les anciennes demeures niçoises, le sol étant dallé
avec des pierres vertes et violettes de la Roya. »
Comme en 1925 les
équipes dirigées par Clément Goyeneche pour l’Exposition de 1937 rassemblent
professeurs, élèves ou anciens élèves de l’Ecole des Arts Décoratifs et des
artisans régionaux : Pacino, Demichelis, Campani, Gillino, Vandini, Morineau,
Gregorio, Zoppi, Turchi, Lomazzi, Rossi et Ribotti pour les menuisiers et
ébénistes, les marbriers de Saorge pour les pierres de la Roya, Augé-Laribé et
Aublet pour les céramiques, Le Roy, Alberti et Bettinelli pour la ferronnerie,
Lobietti pour la peinture, Simone Garnier et Mlle Neveu pour des bibelots, Ernest
Jacques, Balestra et la fabrique de Cogolin pour les tissus et les tapis, etc…
Le quotidien
« Le Petit Niçois » dans son édition du 7 août 1938 titre sur le
Pavillon de la Côte d’Azur qui reçoit un Premier grand Prix, la plus haute
récompense de l’Exposition :
« Clément Goyeneche
qui se fit particulièrement remarquer à l’Exposition d’Arts décoratifs de 1925,
et obtint un Grand Prix, est à nouveau lauréat d’une grande récompense. Cet
artiste vient en effet à nouveau de voir son talent reconnu et récompensé (..)
La « chambre du skieur » dont nous donnons le cliché ci-dessous fut
pour les visiteurs une véritable révélation et nous connaissons de nombreux
hôteliers de stations de sports d’hiver qui se promettent d’en adopter le
thème. » Et Georges Avril dans l’
« L’Éclaireur de Nice » : « Un grand prix au
Pavillon de la Côte d’Azur pour les ensembles mobiliers de M. Clément
Goyeneche. (..)Nous nous réjouissons de cette haute et flatteuse récompense,
car dans cette section, classe 38, il n’y a eu que 51 Grands Prix pour
l’ensemble de l’Exposition, dont 23 seulement pour la France entière. C’est une
récompense qui couronne une œuvre du goût le plus pur et qui consacre aussi
tous les efforts sincères que l’artiste accomplis depuis des années, toutes les
belles réalisations dont il est l’auteur, et au nombre desquelles se trouvent
les aménagements et la décoration intérieure du yacht « Vellela-II »
sur lequel M. Édouard Daladier, Président du Conseil, fait sa croisière de
vacances. (..)L’art et la sensibilité de l’artiste s’exercent avec un sentiment
parfait des lignes, des volumes, de la couleur, d’une distinction aussi
naturelle que rare ».
©Bruno Goyeneche - tous droits de reproduction réservés