vendredi 26 avril 2024

Clément GOYENECHE (1893-1984) la première partie de sa carrière avec sa participation aux Expositions Internationales "ART DECO" de PARIS en 1925 et 1937

 


Clément GOYENECHE Architecte - Artiste peintre - Designer (1893 -1984)

La première partie de sa carrière : 1911 à 1939

Professeur en charge de la section la plus importante de l’école, Clément Goyeneche, niçois,  d’origine basque, a été lui-même élève de l’ENAD de Nice 1910-11. Il obtiendra en 1911 le Premier Prix d’un concours national entre toutes les écoles d’art de France : le « Concours Général de Composition Décorative » organisé par la Société d’Encouragement à l’Art et à l’Industrie et le Ministère des Beaux-Arts. Ce premier succès sera le point de départ d’une brillante carrière car la Baronne Ephrussi de Rothschild lui commandera séance tenante le projet de la grande mosaïque du patio de la Villa Ile-de-France à Saint-Jean-Cap-Ferrat et il obtiendra quelques mois plus tard une bourse de la Ville de Nice pour continuer ses études à Paris : à l’École des Beaux-Arts (Atelier Cormon) et à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs. 
 
Il fréquentera à Paris plusieurs jeunes niçois étudiants comme lui et qui demeureront des amis proches et par la suite des associés dans plusieurs projets sur la Côte d’Azur, notamment les architectes Richard Laugier et Paul Labbé ou les artistes-décorateurs Raoul Dufy, René Cera et Mario Simon. Ces "niçois" demeureront tous en relation étroite avec le peintre Paul Audra, le Directeur de l’ENAD, avec qui ils avaient une véritable relation de « piété filiale » suivant les mots de Clément Goyeneche dans une correspondance
 
Aux Beaux-Arts il fréquente aussi assidument l'atelier de l'architecte Gaston REDON : ses camarades seront les futurs architectes Michel Roux-Spitz, Léon Azéma, Roger-Henri Expert et les frères Niermans avec qui il restera toujours en relation.
 
Clément Goyeneche travaillera très rapidement avec de grands créateurs parisiens comme Maurice Dufréne, Francis Jourdain, le couturier Paul Poiret (Atelier Martine), l’architecte Mallet-Stevens ainsi que l’Atelier Primavera des Grands Magasins du Printemps, où il se liera avec René Guilleré et Colette Guéden mais surtout avec Louis Sognot.
 
Dans cette période il collectionnera les récompenses comme le Premier Prix du Concours d’Art Décoratif de la revue « Les Arts Français » et à 23 ans seulement il sera reçu Premier au concours national pour obtenir le « Certificat d’aptitude à l’enseignement de la Composition Décorative », ce qui en fera le plus jeune professeur de France et lui vaudra sa nomination en 1920 au poste d’enseignant titulaire à l’École Nationale des Arts Décoratifs de Nice. 
 
L’École de Nice va devenir très vite une des meilleures écoles d’art de France et les élèves de Clément Goyeneche vont obtenir à leur tour de très nombreuses récompenses dont la presse locale (le « Petit Niçois » ou l’  « Éclaireur de Nice ») ou nationale se feront régulièrement l’écho : en effet à pas moins de quatre reprise l’ Ecole des Arts Décoratifs de Nice figurera au palmarès des concours nationaux avec des premiers prix. En 1935, le Maire de Nice, Jean Médecin s’en glorifiera avec juste raison dans le texte « Six années de réalisations municipales » : 
« Notre École d’Art Décoratif est nationale, mais la Ville contribue largement à son fonctionnement. Elle est devenue très prospère et l’ensemble des récompenses qu’elle obtient aux concours de fin d’année la classe au tout premier rang des écoles françaises. » 
Ce sera encore le cas en 1939, à la veille de la seconde guerre mondiale, avec le premier prix et le quatrième, sur huit prix seulement en compétition pour les concours nationaux qui concernaient environ 50 écoles d’art en France . Au cours de l’inauguration de l’école rénové et agrandie en 1938-39 par M.Aragon, Architecte en chef de la Ville de Nice, le Directeur de l’école, M Maillard qui a succédé à Paul Audra en 1934, « se félicite des brillants résultats obtenus par les élèves, non seulement dans les compétitions mais au point de vue de leur formation artistique » et le Directeur Général des Beaux-Arts, M.Georges Huisman, représentant le Ministre à cette occasion, se dit « heureux d’applaudir aux brillants résultats obtenus par les élèves et il leur demande de rechercher un idéal derrière leurs succès scolaires. Mais dit-il en substance, cette école marche si bien, obtient de si brillants résultats qu’elle n’a besoin d’aucun encouragement officiel !.. M Huisman termine en montrant aux maîtres et aux élèves leur rôle essentiel qui est de contribuer dans notre région à la formation d’un gout du public dont il faut bien dire qu’il est toujours en retard de quelques lustres sur les créations du moment. M Huisman se tourne alors vers M Goyeneche, Professeur de Composition Décorative. Il rappelle dans quel estime le tient la haute administration des Beaux-Arts qui a voulu l’arracher à Nice, pour lui donner ailleurs des fonctions beaucoup plus importantes. Il souligne la brillante carrière de ce grand artiste et le félicite de sa popularité parmi les élèves. Mlle Gaillier et M Spiewak remettent la croix de la Légion d’Honneur, offerte par les élèves qu’ils représentent, et M Huisman l’accroche sur la poitrine de M Goyeneche en prononçant la formule sacramentelle.» (in «l’Eclaireur de Nice»)
 
 
Le but des études du cours de composition décorative est clairement énoncé dans le programme diffusé par Clément Goyeneche pour l’inscription à l’école : « Formation d’artistes décorateurs, créateurs de modèles, dessinateurs décorateurs pour les industries et métiers d’art ; préparation à la profession de décorateur-ensemblier ». On utiliserait aujourd’hui plutôt les termes d’architecte intérieur et de designer pour nommer la qualification professionnelle dont il est question, d’autant que les élèves reçoivent également un enseignement complémentaire sur l’architecture et la sculpture par d’autres professeurs. « Les études comportent une initiation théorique aux principales techniques des métiers d’Art. Elles poursuivent, sous la forme de projets, des recherches englobant la plupart des branches de l’Art appliqué : papiers peints, tissus imprimés et tissés, tapisseries, tapis de sol, mosaïque, céramique, verrerie, vitrail, verre gravé, ferronnerie, mobilier, menuiserie d’art, ébénisterie, marqueterie, luminaire, publicité, affiche, décors de théâtre… ». Au cours de la période 1919 -1939, l’action pédagogique de Clément Goyeneche à l’École des arts décoratifs de Nice et son exercice professionnel sont intimement liés aux deux grands événements qui popularisent ce qu’on nommera par la suite le style Art déco mais que l’on appelle à ce moment-là l’Art moderne ou Art actuel : les expositions internationales de Paris de 1925 et de 1937 auxquelles l’école participe activement dans le cadre des Pavillons de la Côte d’Azur.

Clément Goyeneche, président de la Commission de consultation esthétique de Nice pour l’Exposition internationale de 1925, en expose les grandes orientations dans un rapport introductif : « Le modernisme est une conception qui repose sur le rapport équilibré entre les lois esthétiques permanentes et l’expression particulière correspondant aux besoins communs et à la sensibilité ambiante d’une époque. Ces besoins et cette sensibilité sont en état constant d’évolution. Une forme d’art est belle pour toujours et entre dans le vaste domaine du classicisme dès qu’elle naît directement de la vie exercée à un certain moment et qu’elle satisfait à la fois à la mise en œuvre la plus logique des matières et aux principes directeurs de la pensée humaine. Elle réalise l’unité par l’équilibre des contrastes, l’expression vivante par l’affirmation d’une dominante. (…) Constante matérielle : technique propre à chaque matière, la plus directe et la plus simple possible. Appropriation à la fonction : la fonction détermine l’aspect. (…) Constante esthétique : le décor n’est pas toujours nécessaire ; il n’est en situation que pour des raisons de souplesse et de stricte variété. Le plus souvent la structure architecturale se suffit à elle-même. Quand il y a décor : correspondance du décor avec la forme structurale, la destination, la fonction, la situation. Accuser et ne jamais dissimuler la structure architecturale. Mettre en évidence la forme des solides géométriques élémentaires (sphère, cylindre…) entrant dans la structure architecturale. Accuser la fonction par la mise en évidence des éléments de nécessité pratique. (…) L’art actuel s’appuie sur les principes qui viennent d’être énoncés. Il tend au classicisme pur, qui est une expression essentielle de la vie, qui admet toute la fantaisie poétique, au demeurant fortement attaché au contrôle de la raison. Il répudie toute formule académique. (…) L’art actuel recherche la franchise et la fraîcheur dans la forme, l’effet du contraste lumineux, l’harmonie colorée. Il s’attache à ne retenir que les éléments essentiels de l’expression, à généraliser ces éléments jusqu’à l’abstraction. (…) Il considère comme nuisible tout ce qui est inutile. Il rejette tout pastiche des formes d’art révolues, comme ne correspondant plus à la vie actuelle. Il respecte et utilise toute technique traditionnelle et logique. Il satisfait à des besoins nouveaux à l’aide de matériaux nouveaux et de leurs techniques correspondantes, sans entrer dans le moule de formes connues. Désireux d’éviter l’art anonyme, il tend à marquer les caractères de vie propre à chaque région et aussi les sensibilités individuelles (situation géographique, climat, habitudes, tempérament). En résumé, l’art actuel est fondé sur l’ « utile supérieur » et s’oppose à l’ « art pour l’art ».

LES PAVILLONS de la Côte d'Azur DES DEUX EXPOSITIONS INTERNATIONALES "ART DECO" de PARIS en 1925 et en 1937

Le Pavillon des Alpes-Maritimes à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris de 1925.

Le projet de cette exposition internationale remonte environ à une vingtaine d’années auparavant : dès la fin de l’Exposition universelle de 1900, et surtout à la suite des Salons d’automne de 1910 et 1912, où de nombreux artistes veulent réconcilier l’art et la production industrielle qui se développe avec l’évolution de la société et des moyens modernes de communication.

Le Comité régional des arts appliqués de Nice, sous l’égide du ministère des Beaux-Arts, en collaboration avec la Chambre de commerce et d’industrie, assure l’organisation de la participation du département des Alpes-Maritimes à l’exposition : Charles et Marcel Dalmas sont délégués par la Société des Architectes du Sud-Est pour réaliser le projet du pavillon, et Clément Goyeneche est choisi sur concours pour composer l’architecture intérieure en liaison avec Charles et Marcel Dalmas, et pour créer l’ensemble des intérieurs, mobiliers, décorations, luminaires, etc. La collaboration est très étroite entre le jeune artiste de trente-deux ans et son aîné d’un an seulement, Marcel Dalmas Le résultat de ce travail d’équipe est un réel succès pour le Pavillon des Alpes-Maritimes qui est très remarqué par la critique et le public de l’exposition. Clément Goyeneche remporte à titre personnel un Grand Prix (Section française - Classe des ensembles mobiliers) et un Diplôme d’honneur (les plus hautes récompenses décernées par le jury de l’exposition) ainsi que deux Médailles d’argent pour ses réalisations, et le titre enviable de Membre du Jury d’admission Architecture. 

Clément Goyeneche fait part de son expérience : « Pour beaucoup, dans le grand public, l’art décoratif a été une découverte amenée par l’Exposition Internationale de Paris de 1925. Cette manifestation, longtemps différée, avait été réclamée par les artistes depuis bien avant la guerre. Ceux qui, dans le monde entier, s’inquiétaient et s’efforçaient de trouver, de créer à la fois le décor et l’ajustement des formes usuelles de tout ce qui constitue le cadre de notre vie, dans un rythme correspondant à celui de l’existence actuelle, avaient hâte de voir se confronter les différentes expressions d’un effort d’art dont les règles consenties par tous, paraissaient nouvelles : rationalisme, logique technique, respect de la matière, désir d’expression essentielle, exclusion de toute vanité ornementale, désir d’unité, (…) nouvelles règles semblait-il, par contraste avec le triste spectacle donné par l’incohérence de l’art décoratif de la fin du XIX eme siècle, où le pastiche régnait en maître et où le décor de la vie était un hétéroclite bazar formé par les dépouilles déformées des siècles défunts. (…) La Côte d’Azur était au premier rang de ces manifestations provinciales. Qui ne se souvient du Pavillon des Alpes-Maritimes, une des grandes attractions de l’exposition de 1925 ? Les murs en semblaient irradiés du soleil si généreux du pays qu’ils représentaient.

Cet ensemble, où les artistes locaux les plus qualifiés étaient représentés, était la preuve que sur cette terre privilégiée de la Riviera française, où semblait-t-il, il ne pouvait y avoir d’autre désir de vie que de se griser de lumières et de goûter le charme du climat (…) des artistes travaillaient, s’efforçaient de produire des œuvres exprimant toutes ces délicieuses sensations : architectes, meubliers, ferronniers, potiers, céramistes… Ils étaient nombreux ceux qui ne se laissaient pas seulement pénétrer par les charmes de ce pays, mais bien traverser par lui. Ils exprimaient des œuvres qui étaient issues de leurs pensées et de leurs mains. Dans ce grand Grand Palais, un stand remarquable présentait les travaux des élèves de l’École d’art décoratif de Nice, qui participent par ailleurs à toutes les expositions des Saisons d’art à Nice. Cette œuvre de l’Exposition internationale des arts décoratifs qui fut une mobilisation inconsciente et occasionnelle, a démontré aux artistes régionaux quelle force ils représentaient. »

La lecture du descriptif détaillé du catalogue des intérieurs du pavillon est très précieuse pour connaître tous les intervenants et imaginer les compositions dont les images ne nous sont parvenues qu’en noir et blanc. 

Au rez-de-chaussée, la salle à manger :
« Ensemble et meubles de C. Goyeneche. Meubles acajou sculpté, ciré, patiné, ferrure cuivre, édités par A.M.A., 43 boulevard de l’Impératrice de Russie à Nice. Frise en sgrafito composée et exécutée par C.Goyeneche. Service de table de J. Luce. Céramique de Augé-Laribé à Biot et de Aublet à Antibes. Porcelaines décorées de Bourgeois. Napperon point de Nice de Mme Chabert-Dupont. »

Au premier étage, le salon d’été :
« Ensemble et meubles de C. Goyeneche. Meubles noyer sculpté, ciré, ferrure cuivre, édités par A.M.A., 43 boulevard de l’Impératrice de Russie à Nice. Gravures sur bois de Genholac et Rattier. Tissus de Raoul Dufy, édité par Bianchini-Ferrier. Céramique de Augé-Laribé, de Aublet et de J. Luce. Dessus de table point de Nice de Mme Chabert-Dupont. »

Et également au premier étage du pavillon, la grande chambre :
« Ensemble et meubles de C. Goyeneche. Meubles en érable et frêne marquetés d’amaranthe, citronnier et acajou, édités par A.M.A., 43 boulevard de l’Impératrice de Russie à Nice. Panneau décoratif de Mlle Bordes. Tapis, coussins de Martine et de Mlle Pangon. Tissus de la Maison Dscheemaecker. Céramique de Bourgeois, de Massa, de Aublet et de J. Luce. Fourrures de la Maison Bailet à Nice. »

Dans le rapport général, il est également noté les autres participants à tous les aménagements des intérieurs : De Signori, Capron, Martin-Sauvaigo, Paul Audra, Genholac, Delfino, Mlle Garnier, fauteuils par Martine, tissus et papiers peints par Gabriel, Dauphin et Raoul Dufy. Il est particulièrement intéressant de relever que les équipes formées par Clément Goyeneche rassemblent aussi bien des enseignants de l’École des arts décoratifs de Nice comme Audra (directeur), Rattier ou Génholac (professeurs) que des élèves comme Mlle Bordes, Mlle Pangon ou des artisans d’art des Alpes-Maritimes comme les céramistes Augé-Laribé et Aublet. Il faut aussi noter la participation d’un artiste comme Raoul Dufy (pour ses créations de tissus) avec qui Clément Goyeneche travaille dans l’Atelier Martine de Paul Poiret en 1911-1912.

Paul Audra, le directeur de l’École des arts décoratifs, a ces mots élogieux et bien en accord avec les idées novatrices de l’Art moderne pour présenter l’exposition de « quelques meubles de Clément Goyeneche, à l’Artistique » en avril 1925 à Nice, dont plusieurs viennent d’être présentés au Pavillon des Alpes-Maritimes à l’Exposition de Paris : « Rompre avec la profusion d’un décor inexpressif et encombrant que nous tenons de la Renaissance italienne, avec des formes que ni la destination, ni la construction ne justifient, donner à l’ambiance d’un intérieur un caractère de sérénité heureuse et légère, par des meubles logiquement établis et ornés, des murs gais mais silencieux, des tissus qui doivent leur somptuosité à l’harmonie des couleurs et à l’union bien assortie des matières, voilà ce que veut fermement l’art moderne. De la logique, de la loyauté, de l’aisance. C’est du très haut classicisme. M. Clément Goyeneche est un des jeunes artistes que je considère comme au premier rang de ceux qui nous délivreront du fatras poussiéreux et baroque amoncelé par l’imitateur ignorant et insensible des styles de jadis, et qui s’opposent aux actuels barbares, extravagants, prétentieux et lourds. Cette exposition à l’Artistique, si remarquable soit-elle, n’est qu’une indication de ce qu’on peut attendre de cet esprit réfléchi, de ce poète et de ce technicien. »

Le maire de Nice, Jean Médecin, à peine deux ans après son élection en 1928, va associer l’architecte Nicolas Anselmi et Clément Goyeneche pour réaliser plusieurs projets emblématiques de sa municipalité : la modernisation de l’Hôtel de Ville en 1930-1931, l’extension et le réaménagement de la Bibliothèque municipale du boulevard Dubouchage, et la construction de l’École pratique de commerce et d’industrie hôtelière de Nice, rue de France en 1931-1932. Clément Goyeneche réalise également dans les années 1920 à 1937 plusieurs études d’aménagements et de création de mobiliers urbains pour la Ville de Nice : par exemple l’aménagement du carrefour de l’aire Saint-Michel à Gairaut (1932), des études pour la Compagnie des Eaux à Rimiez, des abris bus ou des bancs publics. Dans la même période, il réalise des centaines d’aménagements intérieurs pour des clients privés, et plusieurs immeubles d’habitations à Nice, place Alexandre Médecin, à l’angle de l’avenue Henri Dunant, pour son ami d’enfance François Cotto (1928) et en collaboration avec Richard Laugier deux immeubles, l’un au 22 rue Amiral de Grasse et l’autre au 2 rue Guglia (1937). 

Le Pavillon de la Côte d’Azur à l’Exposition internationale des arts et techniques de Paris de 1937.

Le projet d’organiser à Paris une nouvelle Exposition Universelle date de l’année 1934 : c’est le parlementaire Edmond Labbé qui en assure la promotion. Son titre officiel est : « Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne ». Edmond Labbé veut démontrer avec ce projet que l’art et la technique ne s’opposent pas mais que leur accord est au contraire souhaitable, voire nécessaire. Ce projet se situe dans la suite des débats autour de l’Exposition de 1925 avec le développement des idées sur l’art moderne : « Le beau et l’Utile doivent être, selon les propos d’Edmond Labbé, indissolublement liés ». Étant donné la situation de crise économique et de tensions politiques internationales, l’exposition doit également être un instrument pour favoriser la paix entre les peuples. C’est dans un contexte très particulier avec l’arrivée au pouvoir en France du Front Populaire que s’organise finalement l’exposition : Nice et la Côte d’Azur sont représentées dans le cadre d’un Pavillon régional (XI région – Départements des Alpes-Maritimes et du Var).



L’organisation mise en place est similaire à celle de 1925 : c’est le Comité régional qui l’assure, dont le siège est situé boulevard Carabacel à Nice dans les locaux de la Chambre de Commerce et d’Industrie. Le Comité régional organise un concours pour le projet architectural du pavillon et pas moins de onze concours pour l’architecture intérieure et la décoration de chaque salle du pavillon : le grand salon d’honneur, le petit salon rond, le cabinet de travail d’un écrivain, etc. Le règlement précise que le concours est anonyme et qu’un même artiste peut être primé dans une ou plusieurs sections. C’est un groupement d’architectes des Alpes-Maritimes et du Var qui remporte le concours d’architecture : Paul Labbé, Aubour et Crovetto de Nice avec Barbier-Bouvet et Bertrand Arnoux de Saint-Raphaël. Pour les intérieurs, c’est Clément Goyeneche qui remporte 9 concours sur les 11 des programmes proposés dans le cahier des charges. Louis Guien, un ancien élève de Goyeneche, remporte le concours pour l’office de tourisme.



Comme pour l’exposition de 1925, l’École des arts décoratifs de Nice est un partenaire actif avec un stand particulier mais aussi avec une participation de plusieurs élèves ou anciens élèves dans les équipes de Clément Goyeneche. La Société des Beaux-Arts de Nice est également partie prenante avec la participation de très nombreux membres de l’association : le sculpteur Joseph Gazan, les peintres Tayac ou Martin-Sauvaigo, etc. Comme le souligne le président de l’association Charles Vigon, en décembre 1937 : « Je tire une fierté et une grande joie de la participation des Membres de la Société des Beaux-Arts de Nice à l’Exposition de Paris. Dans les concours ouverts pour la construction du pavillon et sa décoration – concours dont les juges venaient de la Capitale – les projets des Membres de la Société ont été primés. Clément Goyeneche a orné le Grand Salon d’honneur de grandes compositions peintes ayant traits à l’histoire de la Méditerranée et glorifiants les navigateurs régionaux. Il a décoré également le vestibule d’entrée de stucs polychromes et d’appliques en bronze d’un effet somptueux : c’est lui encore qui a conçu la « grotte des sirènes », le mobilier du cabinet de travail de l’écrivain et la « chambre du skieur ».et il a fort heureusement inspiré et dirigé un groupe d’artisans  régionaux qui ont pu révéler un tempérament esthétique intéressant. »


Le débat entre les tenants du « modernisme » avec Le Corbusier et Rob Maillet-Stevens et les « régionalistes » est encore plus présent qu’en 1925. Les concepteurs du Pavillon de la Côte d’Azur se situent au cœur du débat comme le remarque un article de la revue «Vie à la Campagne » sur le pavillon :  
« Pavillon de la Côte d’Azur : un enchantement pour les yeux. Cet ensemble d’architecture érigée en bordure de la Seine, présente un groupe de constructions variées qui concrétisent ce qui doit rester le symbole principal de l’individualité de cette magnifique région au caractère très particulier. Il est traditionnel en ce sens qu’il emprunte à la région les éléments permanents qui lui sont propres. Il est moderne par les procédés nouveaux de construction qui ont été mis en œuvre pour le réaliser. »
C’est bien ce sentiment qu’exprime l’artiste sur son « régionalisme »  dans le cadre des projets d’aménagements intérieurs du pavillon de 1937 :« On a demandé aux décorateurs et ensembliers du Pavillon du Centre Régional d’être à la fois régionalistes et modernes. Le problème de l’art décoratif régional est à la fois  passionnant  mais des plus difficiles à résoudre pour un artiste. La plupart de ceux qui ont essayé ont abouti à une rusticité caricaturale ou à un pastiche d’ancien plus ou moins déguisé. J’ai moi-même essayé depuis quinze ans  de faire une œuvre dans le sens régional tout en étant nettement moderne. C’est dans cet esprit que, dans le grand salon d’honneur, le grand vestibule et le cabinet de travail de l’écrivain j’ai réalisé des ensembles qui ne soient pas volontairement rustiques à tout prix : les pièces de réception du pavillon sont traitées en gypseries à deux tons dans le principe des décors au stuc du XVIIème siècle qui subsistent encore dans les anciennes demeures niçoises, le sol étant dallé avec des pierres vertes et violettes de la Roya. »

Comme en 1925 les équipes dirigées par Clément Goyeneche pour l’Exposition de 1937 rassemblent professeurs, élèves ou anciens élèves de l’Ecole des Arts Décoratifs et des artisans régionaux : Pacino, Demichelis, Campani, Gillino, Vandini, Morineau, Gregorio, Zoppi, Turchi, Lomazzi, Rossi et Ribotti pour les menuisiers et ébénistes, les marbriers de Saorge pour les pierres de la Roya, Augé-Laribé et Aublet pour les céramiques, Le Roy, Alberti et Bettinelli pour la ferronnerie, Lobietti pour la peinture, Simone Garnier et Mlle Neveu pour des bibelots, Ernest Jacques, Balestra et la fabrique de Cogolin pour les tissus et les tapis, etc…




Le quotidien « Le Petit Niçois » dans son édition du 7 août 1938 titre sur le Pavillon de la Côte d’Azur qui reçoit un Premier grand Prix, la plus haute récompense de l’Exposition : 
 

« Clément Goyeneche qui se fit particulièrement remarquer à l’Exposition d’Arts décoratifs de 1925, et obtint un Grand Prix, est à nouveau lauréat d’une grande récompense. Cet artiste vient en effet à nouveau de voir son talent reconnu et récompensé (..) La « chambre du skieur » dont nous donnons le cliché ci-dessous fut pour les visiteurs une véritable révélation et nous connaissons de nombreux hôteliers de stations de sports d’hiver qui se promettent d’en adopter le thème. » Et Georges Avril dans l’ « L’Éclaireur de Nice » : « Un grand prix au Pavillon de la Côte d’Azur pour les ensembles mobiliers de M. Clément Goyeneche. (..)Nous nous réjouissons de cette haute et flatteuse récompense, car dans cette section, classe 38, il n’y a eu que 51 Grands Prix pour l’ensemble de l’Exposition, dont 23 seulement pour la France entière. C’est une récompense qui couronne une œuvre du goût le plus pur et qui consacre aussi tous les efforts sincères que l’artiste accomplis depuis des années, toutes les belles réalisations dont il est l’auteur, et au nombre desquelles se trouvent les aménagements et la décoration intérieure du yacht « Vellela-II » sur lequel M. Édouard Daladier, Président du Conseil, fait sa croisière de vacances. (..)L’art et la sensibilité de l’artiste s’exercent avec un sentiment parfait des lignes, des volumes, de la couleur, d’une distinction aussi naturelle que rare ».

  
©Bruno Goyeneche - tous droits de reproduction réservés